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Les allergies alimentaires et les restaurants : un enjeu de santé publique

août 19, 2016

Mise à jour du 15 septembre : Le serveur québécois ne sera pas accusé de négligence criminelle.

La nouvelle, la semaine dernière, de l’arrestation d’un serveur dans un restaurant de Sherbrooke provoquée par la réaction allergique grave d’un client a donné lieu à un débat public animé sur la responsabilité de la protection des Canadiennes et des Canadiens ayant des allergies alimentaires.

Il est essentiel de mener ce dialogue de façon respectueuse et de reconnaître qu’il s’agit d’une période difficile pour l’ensemble des personnes concernées. Un homme, Simon-Pierre Canuel, a failli perdre la vie. Un autre devra potentiellement faire face à une accusation criminelle.

Pour les personnes atteintes d’allergies alimentaires et leur famille, des histoires comme celle-là sont troublantes. En tant que mères d’enfants vivant avec des allergies alimentaires multiples, nous connaissons l’anxiété qui peut accompagner le simple fait de manger. Une erreur, un malentendu ou un moment d’inattention peut faire la différence entre savourer un bon repas et souffrir d’une réaction pouvant mettre sa vie en danger, une scène crève-cœur pour n’importe quel témoin.

Ainsi, sans avoir tous les faits de ce cas particulier en main et sans avoir essayé d’imaginer ce que nous aurions fait dans de telles circonstances, il est imprudent de tirer des conclusions ou de porter un jugement moral.

Depuis longtemps, Allergies Alimentaires Canada soutient que la prise en charge sécuritaire des allergies alimentaires est une responsabilité partagée.

Les personnes qui vivent avec des allergies alimentaires, pour leur propre protection, doivent s’efforcer de prendre en charge leurs allergies. Par exemple, il leur incombe d’adopter des stratégies importantes qui contribuent à minimiser le risque de réaction allergique, y compris lorsqu’elles mangent à l’extérieur. Ces stratégies préventives comprennent la prise des mesures suivantes : informer le personnel des restaurants de vos allergies, vous assurer que vos amis et les gens avec qui vous mangez sont au courant de vos allergies, avoir votre auto-injecteur d’épinéphrine – un EpiPenMD – avec vous en tout temps et savoir quand et comment vous en servir.

Cela dit, le fait que ces conseils ne soient pas suivis à la lettre n’amoindrit pas le rôle que joue la collectivité, dont celui des restaurants, qui se doivent de savoir ce que contiennent les aliments qu’ils servent à leurs clients.

À une époque où plus de 2,5 millions de Canadiennes et de Canadiens sont atteints d’allergies alimentaires et où une personne sur deux au Canada connaît quelqu’un qui vit avec une allergie alimentaire, il est irresponsable – en plus d’être peu judicieux d’un point de vue commercial – de suggérer que cette communauté pourrait ne plus être la bienvenue dans les restaurants dans l’attente de l’issue de cette affaire.

En réalité, nombreux sont les gens ayant des allergies alimentaires qui ont savouré, et qui continueront de le faire, des repas au restaurant en toute sécurité, et ce, partout au pays. Bon nombre de restaurants, des grandes chaînes aux plus petits établissements, déploient des efforts considérables pour offrir des repas sécuritaires aux personnes qui doivent composer avec des allergies alimentaires.

Or, si nous voulons diminuer le risque d’incidents comme celui qui est survenu à Sherbrooke – et de tels accidents se produisent, même s’ils ne font pas toujours la manchette – il est temps que nous commencions à traiter les allergies alimentaires dans les restaurants comme un enjeu de santé publique. Nous tenons pour acquises de nombreuses mesures qui contribuent à assurer la sécurité des consommateurs dans les restaurants. La mise en œuvre de procédés qui favorisent la diminution du risque de réactions allergiques découle logiquement d’une situation comme celle-ci.

Pour y arriver, de l’éducation et de la formation sur les allergies alimentaires et l’introduction de procédures et de procédés clairs devraient être obligatoires et appliquées de manière universelle dans tous les domaines de l’industrie des services alimentaires.

Cette idée n’a rien de novateur. En fait, ces stratégies – l’éducation et la formation – ont déjà été utilisées efficacement dans d’autres secteurs, s’inscrivant dans les mesures de politiques publiques qui ont favorisé une meilleure compréhension des enjeux et sauvé des vies. Nous n’avons qu’à penser aux écoles, qui sont maintenant tenues de mettre en place des mesures, comme la formation des membres du personnel, pour protéger les élèves sujets à l’anaphylaxie. Un autre exemple : la réglementation fédérale en matière d’étiquetage des aliments, qui exige désormais la présence de listes d’ingrédients claires et de mises en garde relatives aux allergènes.

Nous avons l’occasion de transformer un événement négatif, qui aurait pu s’avérer tragique, en une situation positive qui rassemble les Canadiennes et les Canadiens atteints d’allergies alimentaires et l’industrie des services alimentaires dans un esprit de compréhension et de coopération, pour le bien collectif. Saisissons-la, cette occasion.

Laurie Harada est la directrice générale d’Allergies Alimentaires Canada. Carla Da Silva, qui est basée au Québec, agit à titre de consultante auprès d’Allergies Alimentaires Canada. Les deux femmes ont chacune un fils atteint d’allergies alimentaires multiples.

 

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